↺ La fête des strigoïs battait son plein. Aux yeux des mortels, ce n’était qu’une simple fête liée aux contes et légendes qui berçaient la Roumanie. Pourtant, elle signifiait tout autre chose aux yeux des êtres surnaturels. Elle marquait le début de la moisson. La silhouette s’approche de l’enfant, une barbe-à-papa à la main. Derrière le lampadaire, il n’est qu’obscurité. Le gamin ne semble cependant pas apeuré, et observe la sucrerie de son regard enfantin. « Tu la veux ? » L’enfant s’approche un peu. « Il y en a plein d’autres, là d’où elle vient. » L’enfant sourit, mais semble hésitant. Alors la silhouette sort de l’obscurité, se montre enfin sous la lumière du lampadaire. Son long manteau en cuir noir retombe presque sur le sol. L’homme s’agenouille devant l’enfant, et lui sourit d’une manière sincère. « Je devrais retourner auprès de mes parents. » dit le gamin de sa voix enfantine. « Ce sont eux qui m’ont dit de t’apporter cette gourmandise, et de t’emmener en chercher d’autres. » Il fronce les sourcils légèrement, et tente de se donner un air convaincant. « Ils pensaient que ça te ferait plaisir, mais ils se sont peut-être trompés finalement.. » L’enfant écarquille les yeux légèrement, et des étoiles se mettent à danser dans ses iris. Il secoue légèrement la tête. « Non, je veux venir. » L’homme tend la barbe-à-papa, dont s’emparent les menottes du gamin. Il se redresse, lui sourit et vient caresser le haut de son crâne. « Dmitri ? » la voix affolée de la mère se fait entendre au loin. L’enfant se retourne légèrement, comme s’il venait de comprendre qu’il était tombé dans un piège. Mais c’est trop tard. L’homme tire sur l’enfant et l’entraîne avec lui dans l’obscurité. Le visage de la silhouette change, monstre qui semble l’habiter. Ses canines viennent se planter dans le cou du gamin, qui pousse des cris stridents. Ces derniers se mêlent à la musique de la fête qui bat son plein derrière, et aux cris paniqués d’une mère qui cherche son fils. Il lâche le corps sans vie du garçon, poupée désarticulée qui tombe sur le sol. Le strigoï attend dans l’obscurité, observant la scène qui va désormais se jouer sous ses yeux. Il entend les cris de la mère devenir plus pressant, et se rapprocher. Elle ne tardera pas à tomber sur le corps inanimé de sa progéniture. La créature se met à rire, d’un rire enfantin et candide. Et la femme redresse la tête, comme si elle venait d’entendre son fils. L’espoir renaît et elle presse le pas, continuant de scander son prénom. Il attrape l’enfant, et tire, tire sur sa petite tête. Les bruits des os qui craquent brisent le silence de la ruelle, et alors que la femme passe devant, il fait rouler la tête du gamin sur le sol. Elle se met alors à crier, plaquant sa main sur sa bouche comme pour s’empêcher de fondre en larmes. Elle fini par reculer et trébucher, et les cris reprennent de plus bel. Les larmes viennent s’échouer sur ses joues, flots incessants qui obscurcissent sa vision.

« Ils ont encore frappés. » dit le strigoï en se tournant vers le Roi. Il observe l’article qui fait la une du journal. « Sommes-nous certains qu’il s’agisse des moissonneurs ? » Il opine de la tête, et pose ses prunelles dans celles du vieux strigoï. « Que voulez-vous faire ? » Il tapote sur son trône un instant, avant d’enfoncer ses ongles dans le bois. Il fait ensuite craquer sa mâchoire. « Il faut les retrouver et mettre un terme à ça. S’ils réussissent, le monde tel qu’on le connait en sera à jamais changé. » Ces moissonneurs étaient désireux de faire sortir son sire de sa prison dorée, et en étaient proches. Mais il ne pouvait se permettre de les voir libérer ce fléau sur le monde. Il se redresse, se lève et s’apprête à quitter la pièce. « Je vous ferai part de mes plans au plus vite, pour l’instant, continuez d’épier. » Il quitte alors la salle.